lundi 26 juin 2023
Lu « Là où sont les oiseaux » roman de Maren Uthaug, paru chez Gallmeister.
peuple autochtone du nord de la péninsule nordique), qui s’est longtemps illustrée dans la bande dessinée au Danemark. Son premier roman, « La petite fille et le monde secret » avait reçu le prix du premier roman danois, prix considéré comme prestigieux dans ce pays. « Là où sont les oiseaux » est une expression de pêcheur en mer qui se termine par « se trouvent les poissons ». Allégorie qui nous suggère sans doute qu’il ne faut pas se fier aux apparences….car la saga familiale, qui est ici dépeinte dans un récit à trois voix, Johan le père gardien de phare, Marie la mère et Darling leur fille ne sont pas vraiment ceux qu’on pourrait croire dans ce coin du nord de la Norvège où les mœurs sont bien dissolues. Un livre de qualité assurément, qui exprime en particulier avec talent une ambiance sociale particulière dans ce petit port où tout le monde se connaît, même si son organisation littéraire autour des trois récits successifs apporte plus de redites que d’enrichissements.
mercredi 21 juin 2023
Lu « Tsunami » de Marc Dugain , paru chez Albin Michel.
romancier qui s’aventure dans des univers extrêmement différents. Il livre là un roman qui est une fiction puisque le narrateur n’est autre que le prochain ou l’un des prochains présidents de la République…un président très en pointe sur les nouvelles technologies, au point qu’il a passé un accord avec les GAFAM pour financer un revenu universel pour les jeunes en échange de la commercialisation de leurs données personnelles (!…), un président qui souhaite faire adopter une grande « loi verte » qui provoque plus de peurs que d’adhésion, un président qui veut réformer la démocratie en supprimant le Sénat ( De Gaulle s’y était essayé n’est-ce pas, alors pourquoi pas lui ?) et en le remplaçant par une assemblée virtuelle c’est-à-dire en ligne….
Et un président qui, très libéral dans sa vie personnelle, face aux difficultés de procréation de son couple, use de la gestation pour autrui pour avoir un enfant.
Bref, toute la modernité avec ses excès et ses déviances.
Le livre se lit très facilement ( trop ?) et fait preuve d’une imagination débordante ( trop ?). On a beaucoup de mal à crédibiliser le sujet mais peut-être l’auteur est-il plus devin que moi. Et pourquoi donc faut-il que lorsqu’il évoque les anciens présidents, François Mitterrand soit le seul à recevoir des coups de griffe sectaires que l’on entend depuis 70 ans de la part de la droite classique ? On devine que ça ne m’a pas plu, non pas tant par sectarisme renversé mais surtout parce que j’ai la prétention de croire que, de tous les présidents de la Vème République, à part De Gaulle, Mitterrand n’est pas celui qui a le plus failli…..c’est un autre débat mais cela qualifie le livre aussi.
jeudi 15 juin 2023
Lu « Sur la dalle » de Fred Vargas paru chez Flammarion.
prises de positions politiques, mais surtout de l’auteure de romans policiers. Que voulez-vous ce commissaire Adamsberg, c’est une personnalité originale et attachante ! Un homme qui, lorsqu’il enquête, fait les choses très, très sérieusement, mais confie tout ce qui l’emmerde à son équipe, que ce soit les formalités administratives ou l’usage des technologies les plus sophistiquées, pour se consacrer à la pêche à la ligne ou bien, ici, aller s’allonger sur une dalle de pierre ( entendez la « table de granit d’un dolmen » histoire de réfléchir à l’enquête, écouter ses intuitions, laisser sortir les « bulles » qui se forment dans son cerveau. Et si ça ne se termine pas par un « bon sang mais c’est bien sûr « tel le Commissaire Maigret », ça y ressemble beaucoup. Vargas nous emmène en Bretagne, à Louviec (ne cherchez pas, c’est un village imaginaire), proche de Combourg la patrie de Chateaubriand. Un Chateaubriand qui vit toujours, réincarné par un de ses descendants qui est aussi un sosie quasi-parfait. Mais à Louviec, une série de crimes mobilise Adamsberg…
Et tout ça donne un polar tellement agréable à lire !
mercredi 7 juin 2023
Lu « Les nuits de la peste » d’Orhan Pamuk le roman du prix Nobel de littérature turc, traduit par Julien Lapeyre de Cabanes.
d’Alexandrie ( Ne cherchez pas sur une carte, je l’ai fait pour vous, intrigué par cette île inconnue de moi dans une région de la Méditerranée que je connais bien : et pour cause, c’est une île imaginaire !!).
Abdülhamid II ( celui-là a bien existé !), trente-quatrième sultan de l’empire ottoman, calife de l’islam, dépêche deux éminents spécialistes des épidémies sur l’île pour combattre l’épidémie qui y fait rage. L’île est multiculturelle, musulmans et chrétiens orthodoxes tentent d’y cohabiter, les mesures sanitaires se heurtent aux croyances religieuses et accroissent les tensions communautaires. En particulier quand il s’agit de mettre en place un…confinement ( vous voyez de quoi je parle ?).
L’auteur nous offre une fresque historique mêlant réalités et imagination débordante, fresque où l’on voit poindre les prémices de l’effondrement de l’empire ottoman, et où la mort omniprésente côtoie des histoires de familles déchirées, des intrigues amoureuses émouvantes ou des jeux de pouvoir sinistres.
C’est de la belle, très belle littérature, construite sur une créativité subjuguante et une minutie descriptive tellement ahurissante qu’elle peut parfois, souvent , dérouter ceux qui sont pressés de « connaître la suite ». Mais cela n’ôte rien à la qualité de l’ouvrage !
lundi 5 juin 2023
Vu « Jeanne du Barry », le film de Maïwenn, réalisatrice et actrice principale, avec Johnny Depp, Louis Garrel, Pierre Richard, Benjamin Lavernhe, Melvil Poupaud.
par des critiques mitigées. Je me range parmi les critiques plutôt positives : ce film historique qui raconte la vie de celle qui fut longtemps la favorite du roi Louis XV, fille du peuple avide de plaisirs et de culture, est assez bien fait pour mettre en valeur les mœurs royales de l’époque, depuis le « rabattage » de femmes pour le roi par une cour entremetteuse professionnelle, jusqu’à la courtisanerie de ces nobles vulgaires qui cherchaient à placer leurs femmes dans le lit du roi pour en tirer quelque avantage, en passant par la méchanceté inhumaine de la famille royale à l’égard de la favorite, considérée comme une roturière, une fille de la rue, voire même la crise diplomatique entre la France et l’Autriche pour cause d’incompatibilité d’humeur entre la future reine, Marie-Antoinette, et la favorite…( Deux femmes qui, ironie de l’histoire, se retrouveront unies par la mort, guillotinées lors de la terreur post-révolutionnaire) .
Maïwenn joue magnifiquement ce rôle qui n’est pas si facile, mélange émouvant de ces mœurs d’un autre âge et d’une simple et belle histoire d’amour commençant par un coup de foudre.
Johnny Depp est étonnant, versus un peu décevant. Il parle peu ( sans doute le fruit de son ignorance de la langue française et d’un refus de se faire doubler ?) et exprime assez peu. Grossi, il n’a plus le charme d’antan…
Le reste de la distribution est de belle qualité et même si quelques libertés sont prises avec l’histoire ( Jeanne ne retourna point au couvent après la mort du roi mais dans sa demeure de Louveciennes où elle…retomba amoureuse !), cela donne un film bien agréable à voir.
vendredi 2 juin 2023
Vu « un invincible été » le film ( en fait, un documentaire, mais il a la longueur d’un film, 1h45) de Stéphanie Pillonca.
décembre 2020, on a diagnostiqué la maladie de Charcot. Pronostic terrible : trois ans à vivre dans une inexorable progression de la paralysie progressive de ses muscles. Mais l’homme décide d’ignorer ce sinistre compte à rebours et décide de vivre, dans la joie et la générosité ( il devient notamment un généreux donateur de l’ICM, institut du cerveau à qui seront versés tous les bénéfices de ce film et dont, accessoirement, je suis - avec quelques autres !- fondateur et administrateur ).
Le titre place en exergue cette citation de Camus : « au milieu de l’hiver j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un invincible été ». J’ai retrouvé le texte de Camus dans « L’été. Retour à Tipasa » paru en 1952, Tipasa ce somptueux site archéologique d’Algérie, au bord de la Méditerranée qui a tant inspiré le philosophe et où je me suis rendu comme dans un pélerinage émouvant il y a quelques années . Et je ne résiste pas à le citer plus longuement :
« …je redécouvrais à Tipasa qu’il fallait garder intactes en soi une fraîcheur, une source de joie , aimer le jour qui échappe à l’injustice, et retourner au combat avec cette lumière conquise. Je retrouvais ici l’ancienne beauté, un ciel jeune, et je mesurais ma chance, comprenant enfin que dans les pires années de notre folie le souvenir de ce ciel ne m’avait jamais quitté. C’était lui qui, pour finir, m’avait empêché de désespérer. J’avais toujours su que les ruines de Tipasa étaient plus jeunes que nos chantiers ou nos décombres. Le monde y recommençait tous les jours dans une lumière toujours neuve. Ô lumière ! C’est le cri de tous les personnages placés, dans le drame antique, devant leur destin. Ce recours dernier était aussi le nôtre et je le savais maintenant. Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible ». ( Peu importe que, dans le titre du film, ces deux mots soient inversés).
Comment mieux dire la sagesse qui nous apprend à reconnaître, dans les moments les plus tristes et les plus douloureux de notre existence, le surgissement de l’été qu’est le bonheur de vivre ?
Le surgissement de l’été, dans ce film poignant, c’est le sourire d’Olivier Goy placé devant son destin. Le sourire d’un homme qui garde intacte en lui une source de joie et retourne au combat chaque jour, fort de cette lumière conquise….