Voilà
un sacré livre, étonnant, très étonnant, original, atypique,
dérangeant mais pétri d'humanité, de féminité, sensible,
émouvant, parfois bouleversant. J'arrête là et je m'explique :
Emma Becker est une jeune, puisqu'elle a une trentaine d'années, et
très jolie, - ce qui n'est pas sans importance dans le livre-,
écrivaine qui, après avoir déjà écrit plusieurs romans, est
partie vivre à Berlin où, pendant deux ans, elle a vécu la vie
d'une prostituée avec, d'entrée de jeu, l'idée d'en faire un
livre. Et c'est cette vie, cette expérience qu'elle raconte avec une
distanciation, une lucidité, et en même temps un engagement assumé
tout à fait étonnants .
"
La maison" ( cf le titre) n'est rien d'autre qu'un bordel de
Berlin qui a pignon sur rue puisque les bordels sont autorisés par
la loi allemande . Mais c'est une bordel "pas comme les autres"
( j'emploie cette expression avec prudence sur la base du récit de
l'auteure qui a vécu, et raconte l'expérience d'un autre bordel que
je qualifierais, pour être compris de "mafieux" et
potentiellement violent).
"
La Maison", elle, est une sorte de pension de famille, où l'on
amène pas des clients racolés sur la voie publique mais où on les
"accueille", où les femmes viennent librement et vivent
une vie de groupe solidaire, amical, presque affectueux.
C'est
déjà très étonnant à découvrir . Mais le plus décoiffant est,
bien entendu, la manière dont Emma Becker parle des rapports avec
les hommes, de sexe, et même de jouissance. (C'est très surprenant
de la voir raconter comment, dans la vente de son corps à un rythme
quotidien presque inhumain, il lui arrivait, parfois, rarement,
d'avoir envie de jouir..... ou bien de l'entendre dire que ce rapport
avec son corps lui a permis de mieux vivre les rapports amoureux
qu'elle peut avoir en dehors de son métier) .
C'est
cru, très cru, décoiffant, très décoiffant, dérangeant
quelquefois. Mais c'est d'une telle liberté de ton et d'une
spontanéité qui sonnent si juste que cela remet en cause bien des
schémas établis et prouve au moins qu'il y a prostitution et
prostitution. En tout cas elle assume le fait d'ouvrir ce débat.
Bref, c'est le récit d'une femme libre qui est bien écrit, facile à
lire au point d'être captivant, et mérite vraiment d'être lu.
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