mardi 15 octobre 2019

Au Sud et à l'Est de la Méditerranée soufflent des vents politiques qu'il faut suivre de très près et juger dans la durée :


- au Sud, en Tunisie, l'élection à la présidence de la République tunisienne de Kaïs Saïed, professeur de droit constitutionnel tout juste retraité, ne manque pas d'inquiéter : l'homme est un conservateur invétéré, partisan de la peine de mort, de la pénalisation de l'homosexualité, farouche opposant à l'égalité Hommes-Femmes dans la question de l'héritage ce qui n'a rien, on en conviendra, de réjouissant. D'autant moins réjouissant que cet hyper-conservatisme sociétal lui a valu, bien sûr, le soutien des islamistes d'Ennahdha pourtant en nette régression électorale mais qui s'offrent une victoire inespérée...par procuration.

L'autre pilier de l'inquiétude qu'il génère est ce qu'on peut qualifier sans crainte de "populisme" puisqu'il ne cesse de dénoncer la démocratie représentative comme mère de tous les maux de la Tunisie et qu'il n'a qu'un mot à la bouche, "le peuple". D'où un projet de décentralisation très poussée où l'on créerait des "Assemblées du peuple" un peu partout sans que l'on sache, par exemple, ce que deviendront les pouvoirs régaliens...
Mais, parce qu'il y a toujours un "mais", la vague qui l'a porté, près de 75% des voix, 90% des moins de 25 ans - attention aux jugements hâtifs : la jeunesse l'a massivement soutenu...- est telle qu'elle lui impose une sorte d'obligation de réussir . Et comme l'homme, à force de dénoncer les partis, n'en a pas créé un (y cèdera-t-il comme de Gaulle ?), et que les élections législatives ont commencé de se dérouler sans candidats estampillés par lui, il sera forcément contraint, pour rassembler, de passer des compromis.
Et puis cette vague s'est imposée à un autre populisme, celui des médias et de l'argent-roi, de la corruption et de la fraude auxquelles il a opposé une rigueur absolue, une austérité rébarbative, refusant par exemple de collecter des fonds pour sa campagne, histoire de ne pas se compromettre.
Je ne tranche pas : je ne sais pas ce qui était le mieux - ou le moins pire- de l'hyper-réactionnaire ou du corrompu-corrupteur mais au moins réjouissons-nous de l'élimination du second....
Enfin, n'oublions jamais le poids des femmes dans la société civile tunisienne, un des grands acquis du "Bourguibisme". Leur capacité de résistance et de mobilisation contre toute atteinte, notamment religieuse et intégriste, à leurs libertés fondamentales est exceptionnelle. Et parmi celles-là, il y en a une dont on ne parle pas et qui pourrait avoir un rôle essentiel : l'épouse du nouveau Président. Je ne la connais pas mais je l'observe : C'est une magistrate qui est peut-être croyante, je ne sais, mais qui ne porte pas le voile...et, je ne sais pas pourquoi, sans d'ailleurs que cela nous ramène à un débat d'actualité en France, si mal posé, si contradictoire et brouillon, j'y vois comme un signe d'espoir.

- À l'Est, ERDOGAN.... le Président turc sanctionné récemment par le suffrage universel à Istanbul mais qui sait , comme tous les dictateurs, faire jouer le nationalisme le plus élémentaire pour ressouder son peuple autour de lui. Erdogan qui, avec la complicité explicite de Trump, ce pitre qui ne trompe plus personne avec ses hésitations et ses contradictions, vient donc de lancer son armée, l'une des plus puissantes et des mieux équipées de l'OTAN, - mais au fait, comment lire l'utilité de l'OTAN en la circonstance ?- dans le Nord de la Syrie, à l'assaut des positions kurdes.
Erdogan est un maître-chanteur qui tenait déjà les européens, son couteau sous leur gorge, avec le chantage de l'immigration : " foutez-moi la paix ou bien j'ouvre en grand les portes des camps de réfugiés sur mon sol et des centaines de milliers d'entre eux vont déferler sur l'Europe "...
Ça ne lui suffit pas car ces gens là, comme le disait si bien Thucydide, "vont toujours au bout de leur pouvoir". Il veut donc un deuxième objet de chantage : " Foutez-moi la paix ou bien je relâche les milliers de djihadistes venus de vos pays - et qui n'aspirent qu'à y retourner -, qui étaient les prisonniers des kurdes et qui vont devenir les miens".
Et l'Europe est quasiment mutique. Le Conseil européen a mis des heures à trouver un compromis sur une condamnation bien molle. La France et l'Allemagne, il est vrai, sont allés un peu plus loin avec l'embargo sur les armes et une condamnation plus ferme. Mais faut-il être cruel ? La porte- parole du gouvernement a vendu la mèche en souhaitant que cette opération militaire "se termine au plus vite "... on ne saurait dire plus explicitement "terminez vite cette sale besogne et qu'on n'en parle plus". Sous-entendu" puisque vous nous dites qu'il ne s'agit que de créer une zone de sécurité le long de votre frontière, on veut bien vous croire mais faites-en vite la démonstration" !
Seulement les kurdes sont les kurdes. On ne dira jamais assez combien et avec quel courage ils se sont battus contre Daesch. En première ligne, les armes à la main, rue par rue, immeuble par immeuble, protégeant de leurs vies nos pays et nos libertés. Avec, aux côtés des hommes, ces femmes kurdes combattantes, auxquelles Caroline FOUREST rend hommage dans un film qui sort ces jours-ci et qui tombe bien, ou mal je ne sais, pour nous mettre le nez dans notre honte. Des femmes non voilées, laïques, seulement courageuses.
Ça n'a jamais été dit mais tout le monde le sait, il y avait - et il y a toujours sans doute- quelques centaines de soldats français des forces spéciales pour aider ces combattants kurdes. Il se trouve que je connais bien un officier qui en commanda certains et qui m'expliqua un jour la solidarité admirative et fraternelle que ses hommes éprouvaient pour ce qu'on peut bien appeler en la circonstance ces " frères d'armes" . Frères et sœurs d'armes. Il n'imaginait pas une seconde qu'on puisse un jour les laisser tomber. On va voir......

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire