Une navigation, à voile bien sûr - magnifique mais inconfortable- en Patagonie autour du cap Horn que j' ai donc franchi pour la deuxième fois de ma vie - mais d'Est en Ouest cette fois-ci ! - et des glaciers chiliens, somptueux et émouvants , m'a permis de lire beaucoup . En particulier :
- " sortir du chaos " de Gilles KEPEL, paru chez Gallimard dans la collection Esprits du monde. Le livre est sous-titré " Les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient" et il est, de fait, un passionnant survol de l'histoire contemporaine de cette région si tourmentée du monde. L'auteur, remarquable spécialiste du monde arabe, Professeur d'université et Directeur de la chaire " Méditerranée et Moyen- Orient" de l' École Normale Supérieure, revient sur l'éternel conflit du proche Orient, mais aussi sur l'espoir né lors des printemps arabes qui n'en furent pas puisque suivis, sauf en Tunisie, par des hivers démocratiques glaciaux ou bien, comme en Libye, sur un chaos qui n'en finit pas sur lequel la communauté internationale n'a pas de prise, sur les guerres d'Irak et de Syrie et leurs conséquences, mais aussi sur la réalité du monde musulman, profondément divisé par la fracture entre chiisme et sunnisme et, au sein de ce dernier, par la rivalité agressive entre Arabie Saoudite et Qatar. Il y a , dans cet ouvrage, pays par pays, événement par événement, une mine de renseignements et d'analyses extrêmement précieuse. C'est peut-être sur la conclusion qu'il pourrait être un peu moins convaincant : il faut dire que pour prôner une " sortie" de cet invraisemblable chaos il faut une bonne dose d'optimisme dont ne semble pas dépourvu l'auteur. Passionnant ouvrage.
- " Frères d'âme " de David Diop paru au Seuil. Ce roman qui revient, vu de l'intérieur, sur l'épisode douloureux de la participation des tirailleurs sénégalais à la première guerre mondiale et à la terrible bataille des tranchées, aurait pu être un grand livre. Cette manière de s'exprimer à la première personne, comme un de ces soldats venus d'Afrique pour sauver la puissance coloniale, de décrire la détresses simple et profonde de voir son ami d'enfance mourir décapité par un obus sous ses yeux, d'exposer ce naufrage vers une forme de sauvagerie démente, de raconter ce séjour en hôpital psychiatrique au retour vers l'arrière des combats, est très touchante, émouvante, convaincante. Mais hélas, la fin est incompréhensible à force d'ésotérisme et on reste vraiment sur sa faim. Je n'ai, pour la part, rien compris à cette fin. C'est bien dommage car il reste un beau livre mais passe à côté du grand .
- " La nouvelle question laïque" de Laurent Bouvet paru chez Flammarion. Laurent Bouvet, Professeur de Sciences politiques à l'Université de Versailles, est un des fondateurs du Printemps républicain. Il est aussi un de ceux , avec Gilles CLAVREUL, avec qui nous avons créé l'Aurore, ce Think- tank composé de femmes et d'hommes profondément de Gauche et porteur de l'idéal républicain, dont j'ai le plaisir d'assumer la présidence. C'est aussi un compagnon de bien des combats laïques de ces dernières années en France, et il n'en pas manqué. Laurent livre là un essai très théorique , on dirait même de philosophie politique , sur la nouvelle question laïque en France, telle qu'elle se pose avec l'avènement de l'Islam comme deuxième religion dans notre pays, l'irruption d'un terrorisme islamique qui vise à détruire les fondements -mêmes de notre civilisation et, face à cela, la prédominance et l'hégémonie dommageable d'une conception essentiellement libérale de la laïcité , validée par le pseudo -observatoire de la laïcité du gentil Bianco aux convictions soixante-huitardes où il est surtout interdit d'interdire, et de l'ineffable Cadène qui était le mieux placé pour écrire " la laïcité pour les nuls", mais aussi par le laisser-faire du Président HOLLANDE que ces choses-là n'intéressaient pas, puis les convictions bien peu républicaines du Président Macron .
Pour toutes ces personnalités, derrière quelques intellectuels guidés par Jean Bauberot, tous gonflés de libéralisme exacerbé, la laïcité n'est qu'une liberté , un droit, jamais un devoir. Et ce libéralisme-là, comme toutes les formes de libéralisme, aboutit au même résultat : l'exaltation du droit à la différence qui débouche sur l'avènement de l'individualisme, du chacun pour soi, et le délitement de toutes formes de solidarité et de recherche du commun, non pas de ce qui nous différencie mais de ce qui nous unit.
Laurent Bouvet décrit très bien cette évolution dangereuse même s'il tombe parfois dans une forme d'ésotérisme, par exemple quand il évoque le substrat civilisationnel de la laïcité....mais bon, je crois ce livre utile et lucide, éclairant et riche.
- Enfin, j'ai lu " Qui se souvient des hommes..." de Jean Raspail, qui restitue l'histoire tragique d'une peuplade de la Terre de feu, les Alakalufs, détruite par les colons d'un monde moderne après des millénaires de survie dans le grand vent des quarantièmes rugissants, le froid glacial de ce bout du monde et ces tempêtes monstrueuses..
Un récit comme un cri d'amour à un peuple disparu.
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