Je n’oublie pas que j’ai commencé ma vie professionnelle en enseignant, pendant plusieurs des années 70, les sciences économiques dans des lycées -pas toujours faciles!- de la banlieue parisienne le temps de finir mes études. J’ai profondément aimé cette expérience et je garde, d’ailleurs , des contacts avec d’anciens élèves qui n’ont peut-être pas détesté l’expérience non plus….mais je savais déjà que je n’enseignerais pas toute ma vie car j’avais une sacrée crainte du risque de la routine. J’ai repris l’enseignement à Sciences Po à deux reprises, l’une au début des années 90 et l’autre depuis quelques années, toujours en cours. Je ne le fais ni pour l’argent gagné - une misère mais ça m’est égal -, ni pour ma carte de visite - à mon âge…- mais fondamentalement pour le plaisir - je pourrais même écrire
«le bonheur »- de transmettre. Et je n’oublie pas non plus, bien sûr, que j’ai été Secrétaire d’Etat en charge de l’enseignement technique et professionnel et que, comme Ministre de l’Agriculture, j’avais en charge l’enseignement agricole, un enseignement très professionnalisé et très efficace, machine formidable à broyer l’échec scolaire. J’ai fait tout cela avec passion, comme j’ai assumé aussi, et toujours avec passion la responsabilité de « responsable du secteur éducatif » au groupe socialiste de l’Assemblée de 93 à 97 ( Ah ! Le débat sur l’aggravation de la loi Falloux fin 93…quel souvenir !) .
Pourquoi rappeler tout cela ? Pour dire que cette passion pour la chose éducative me vient de loin et dure toujours. J’écoute et je lis tout ce qui concerne ce domaine majeur avec un interêt soutenu. Et donc, en particulier, depuis l’élection de l’actuel Président, qui vient de faire une déclaration qui m’a interpellé où il affirmait que l’Education faisait partie de son « domaine réservé ». Déclaration troublante…d’un côté mon vieux fond parlementariste n’aime pas du tout cet élargissement du « domaine réservé » présidentiel qui n’a aucun fondement constitutionnel. Aucun. Et dans un état de droit, c’est quand même très gênant qu’un Président s’arroge des droits qu’il n’a pas et qui relèvent purement et simplement de la compétence gouvernementale. Bon, c’est dit.
Après, pour démontrer que mon esprit d’ouverture et de tolérance est plus grand de jour en jour, ma passion pour l’Education ne déteste pas que le Président s’y intéresse. C’est même mieux que le contraire. Mais, car il y a bien sûr un « mais », tout dépend pour quoi faire ? Si c’est pour dédoubler les classes du primaire dans les zones défavorisées avec l’efficacité que l’on sait contre le décrochage scolaire ( et preuve, entre parenthèses, de l’ineptie de la position doctrinaire des inspecteurs des finances pour qui il y a bien assez de profs en France …), j’applaudis des deux mains. Oui, sans réserve.
Quand, en revanche, le Président nomme successivement comme Ministres les sieurs Blanquer, Pape N’Diaye et Attal, je cherche la cohérence. Une cohérence entre le Président et le récent nommé , oui puisque, si j’ose dire, la fidélité absolue peut amener aussi bien aux contradictions étouffées qu’aux virages en épingle dissimulés ou bien encore aux couleuvres avalées. Mais bon, cohérence entre les trois ? Et je me dis que ces nominations qu’on dira « hétérogènes » pourraient bien être la traduction d’une pensée présidentielle hésitante .
Et malheureusement, je trouve au moins une trace concrète et spectaculaire de ces hésitations et contradictions: le Président vient de faire plusieurs déclarations très volontaristes sur les rythmes scolaires, dénonçant tour à tour les journées trop lourdes ou bien les vacances estivales trop longues. Soit. Ce n’est pas faux et c’est vrai, connu, évalué depuis longtemps. Mais alors, pourquoi avoir décidé de réduire le temps hebdomadaire il y a quelques années avec l’ instauration de la semaine de 4 jours, ineptie pédagogique, coup terrible porté au système éducatif en accroissant l’échec scolaire par l’alourdissement des journées ? Incompréhensible…
Pour être très clair, je me souviens de la réforme des rythmes scolaires étudiée et proposée par Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem il y a une dizaines d’années. C’était une très bonne réforme, concrète et indispensable, utile socialement. Mais quelle déroute politique ! A force de n’être soutenue politiquement ni par le Président ni par le 1er Ministre, à force de ne pas avoir été expliquée aux acteurs du système éducatif, négociée avec les collectivités locales, à force de ne pas lui avoir accordé les moyens nécessaires. Une belle et bonne idée sabotée par une méthode déplorable….