Le
prix Nobel de littérature 2010, péruvien de naissance mais
naturalisé espagnol, a
écrit là ce qu’on peut appeler un roman
historique : roman car c’est une vraie fiction issue de
l’imagination créative de l’auteur, historique car il raconte ce
qui fut un moment fort de la guerre froide : le coup d’Etat au
Guatemala en 1954, par lequel les Etats-Unis et en particulier bien
sûr, la CIA sur ordre d’une multinationale du secteur fruitier
United Fruit, renversa le Président légitime, Jacobo Arbenz pour le
remplacer par Johnny Abbes Garcia, un « copain » du dictateur de
Saint-Domingue, l’affreux Trujillo. C’est remarquablement écrit,
vivant, mêlant pour le plus grand plaisir du lecteur les intrigues
politiques et les histoires amoureuses, et ça se lit presque comme
un roman policier. Mais le plus intéressant me semble-t-il relève
de l’analyse politique : on sait ce que fut le parcours politique
de Vargas Llosa : venu du communisme et soutien inconditionnel de
Castro, il fit sa « révolution libérale» à la fin des années 60
et ne cessa depuis de dériver vers la droite, ce qui prit parfois
des tours surprenants comme son soutien aux gouvernements d’Aznar
en Espagne, Berlusconi en Italie, ou son récent appui à la fille de
l’ex-président Fujimori, ( condamné pour corruption...) contre le
candidat de gauche à l’élection présidentielle péruvienne. Et
pourtant... dans ce livre très récent, il ne cesse de présenter le
coup d’Etat de 54 au Guatemala, comme une erreur stratégique et
historique ! Car Arbenz, soutient -il, contrairement aux thèses de
la CIA et du pouvoir américain, évidemment sous influence de United
Fruit, n’avait rien d’un « rouge », communiste et
révolutionnaire, mais était bien un social-démocrate réformiste,
épris de justice et de démocratie.... Compte tenu du parcours
politique de l’auteur, ce retour en arrière en forme de mea-culpa
apparaîtra comme savoureux pour les uns, déplacé pour les autres,
choquant pour les derniers. C’est l’occasion de relancer le débat
d’actualité en France à propos de la distinction entre l’auteur
et son œuvre : je n’ai que peu d’estime pour cet homme et son
parcours politique, mais ses écrits et celui-là en particulier sont
de très belle facture....
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