dimanche 24 mai 2020

Lu « Chanson bretonne » suivi de « L’enfant et la guerre », deux contes de JMG Le Clézio paru chez Gallimard .


Le premier des deux contes autobiographiques raconte les vacances bretonnes de son enfance, à Sainte-Marine, petit village de pêcheur du Finistère sud, en face de Benodet , sur la rive droite de l’Odet. Car notre Prix Nobel de littérature, bien que niçois de naissance et ayant passé une grande partie de sa vie d’abord en Afrique puis à l’île Maurice, est d’origine bretonne :
« Le kleziou » en breton signifie « le talus ». Et à travers la description de lieux, de personnages, d’activités vacancières, l’auteur raconte « sa » Bretagne, celle du lendemain de la deuxième guerre mondiale, une Bretagne encore très rurale, indemne de la touristification de masse. Une Bretagne pleine de charme nostalgique un peu comme celle que raconte si bien Mona OZOUF dans « Composition française » . Un très joli récit rempli de tendresse, une autobiographie sous forme d’un retour en enfance à la fois simple, agréable à lire et émouvante .
Le deuxième conte raconte la vie de la famille de l’auteur dans l’arrière-pays niçois pendant l’occupation. L’auteur a entre deux et six ans et ses souvenirs sont diffus, confus, évanescents . Comme des flashs, des photographies qui donnent à cette évocation un tour particulier : c’est quoi la guerre pour un enfant de si bas âge ? Et l’on retrouve, comme dans le premier conte, une atmosphère rurale, pastorale, champêtre pleine de charme.
Le Clézio n’est pas toujours facile à lire mais là, il nous offre deux textes d’une grande tendresse émouvante .

vendredi 22 mai 2020

LES PARADOXES EUROPÉENS DE LA CRISE SANITAIRE


Il y a beaucoup de confusions et de paradoxes, voire de contradictions dans les débats européens sur la crise sanitaire que nous traversons. Pour poursuivre ces débats essentiels, essayons au moins de les pointer du doigt :
 
- Premier paradoxe : on accuse l’Europe d’avoir été défaillante voire absente dans la gestion de cette crise. Mais l’Europe n’en a jamais eu la compétence ! Il n’y a jamais eu de décision des Etats-membres de transférer la compétence «Santé » à l’Union pour en faire une « compétence commune» et de construire une « Europe sanitaire ». Comment pourrait-on reprocher à l’Europe de ne pas s’acquitter d’une tâche qu’on ne lui a pas confiée ?
 
- Deuxième paradoxe : ce sont les euro-sceptiques et même, pour parler franc, les nationalistes les plus anti-européens qui s’acharnent aujourd’hui sur l’Europe pour dénoncer cette soi-disant défaillance et qui, en même temps, se sont toujours opposés et s’opposeraient encore demain à tout transfert d’une nouvelle compétence de ce type. Et ces partisans de l’intergouvernemental à tout crin ne vous diront jamais que c’est justement celui-ci qui n’a pas fonctionné dans la gestion de cette crise : voyez l’échec du programme de tests...
 
- Troisième paradoxe : les mêmes anti-européens primaires ne voudront jamais reconnaître que pour une compétence transférée et mise en commun comme la compétence économique et financière, l’Europe « ça marche », même en cas de crise majeure, même après des discussions interminables, même avec les résistances parfois insupportables des orthodoxes budgétaires de l'Europe du Nord . Oui, ça finit toujours par marcher et cette fois encore ça va marcher n’en déplaise aux oiseaux de mauvaise augure comme le démontre courageusement la Banque centrale européenne ( voir plus loin le cinquième paradoxe)

-Quatrième paradoxe : les eurobéats se retranchent derrière ces deux premiers paradoxes pour dédouaner l’Europe de toute responsabilité et, comme d’habitude, fermer les yeux sur la réaction des peuples : si on
ne veut pas que les eurosceptiques nationalistes fassent leur beurre en spéculant sur les soi-disant ratés de l'Europe, il faut que celle-ci se saisisse de ce sentiment des peuples de son absence face à la crise sanitaire et notamment face à la débandade pour le lancement d’un « programme commun de tests ». En transférant la compétence « Santé » et construisant une Europe de la Santé ? Pas sûr que ce soit le meilleur moyen de défendre et promouvoir le service public hospitalier... mais peut-être en créant une sorte « d’état-major » de coordination des crises sanitaires, structure légère et souple mais dotée de moyens véritables. On a attendu beaucoup trop longtemps que Frontex soit dotée de vrais moyens après la crise migratoire, ne recommençons pas la même erreur !
 
- Cinquième paradoxe venu d'Allemagne avec l’injonction faite par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe donnant trois mois à la BCE pour justifier son programme de rachat de dettes publiques ( preuve entre parenthèses que l’Europe « ça marche ») . Mais la BCE est indépendante ! Et indépendante en particulier face à ce genre d’injonction nationale. Et vous savez pourquoi ? Parce que ce sont les allemands qui ont exigé cette indépendance au moment de la création de l’euro !! Helmuth Kohl - grand homme d’Etat- en réponse à Mitterrand qui insistait pour la création de l’euro dont les allemands, forts de leur mark, ne voulaient pas : « bon d’accord mais à une condition : l’indépendance de la BCE. Nous ne voulons pas revivre la création monétaire politique de l’économie de guerre hitlerienne ... » Et l’euro naquit grâce à ces deux hommes d’Etat avec l’indépendance de la BCE .
 
Conclusion : l’injonction de la cour allemande n’aura aucun effet grâce.... aux allemands !
Voilà pourquoi, en matière européenne, il faut toujours se méfier des paradoxes qui cachent de redoutables contradictions . Et, pour poursuivre l’indispensable débat sur l’avenir de l’Europe, savoir déjouer ces paradoxes....

samedi 16 mai 2020

Lu « Se le dire enfin » de Agnès Ledig, paru chez Flammarion.


Encore un roman d’une auteure à succès de la littérature française contemporaine. Et encore un livre facile et agréable à lire.
Edouard, un homme de la cinquantaine ingénieur à la SNCF, rentre de vacances dans le golfe du Morbihan avec sa femme Armelle dont il a eu une fille mais avec laquelle il forme un couple qui ne « vit » plus trop....Gare de Vannes tout bascule en attendant le train : il aide une vieille anglaise à porter sa grosse valise et à monter dans un autocar: sans trop savoir pourquoi, sans comprendre, il monte lui aussi dans le car, laissant là sa femme et sa valise et se retrouve quelques heures plus tard, hébergé dans un gite chaleureux au cœur de la forêt de Broceliande, dans la Bretagne profonde. Et là, sa vie repart à zéro, au contact des arbres, de la nature somptueuse et d’êtres aussi chaleureux que parfois mystérieux.
Il redécouvre une raison d’être et cela donne un livre très plaisant.

lundi 11 mai 2020

Lu « Les désorientés » de Amin MAALOUF, paru chez Grasset.


Un des nombreux romans de notre académicien d’origine libanaise. 
L’histoire d’un libanais exilé en France au moment de la guerre civile, qui retourne au Liban appelé par un de ses amis sur son lit de mort et qui, retrouvant ses marques en ce pays de son enfance, se met en tête de réunir là toute la bande de leurs amis de jeunesse après la mort de ce dernier. Une bande d’amis complètement éclatée, géographiquement, politiquement, philosophiquement, socialement. Éclatée comme le Liban. C’est en cela, d’ailleurs, que ce livre est passionnant : il propose un éclairage magnifique et subtile sur ce pays si particulier, royaume du communautarisme religieux, terre de contraste faite de douceur de vivre et de violence invraisemblable, société de corruption et de générosité admirable. Mais il livre aussi de fines analyses sur le conflit qui oppose depuis des décennies Israël et le monde arabe dont il dit bien la responsabilité partagée, ou bien sur l’Islam, victime de l’idéologie occidentale dominante et, en même temps, rancunier et menaçant .
Ce livre est un formidable livre d’ambiance, de tendresse et de sentiments, de nostalgie qui, outre un récit original, des personnages attachants et une écriture délicieuse, apprend beaucoup sur un pays si original et unique.

lundi 4 mai 2020

Lu « Né sous une bonne étoile » d’Aurélie Valognes paru chez MAZARINE.


Aurélie Valognes est, dit-on, une des cinq romancières françaises les plus lues dans le monde et ses romans sont traduits dans plusieurs langues. 
Elle raconte ici l’histoire de Gustave, enfant d’une cité de la banlieue parisienne, père absent et mère aimante ( ils divorceront lors de son adolescence), habitant au 7ème étage d’une tour où l’ascenseur est souvent en panne et où il vaut mieux rentrer chez soi par les parkings que par le hall d’entrée où « règnent » des jeunes qui ne fument pas que du tabac. Gustave est en échec scolaire. Ni fainéant ni incapable, seulement rêveur. Préférant regarder les oiseaux par la fenêtre que le tableau noir du Maitre. Incapable de se concentrer. Et, pire, finissant par intégrer profondément l’idée qu’il est un cancre puisque tout le monde le lui dit. Et, donc, à deux doigts de se faire exclure de son collège où l’institution « Éducation Nationale » est représentée par un Principal du genre con et rétrograde, ou par certains profs du genre fonctionnaires pas motivés. La spirale infernale se met en place qui semble inexorable. Seulement voilà : il existe aussi dans l’Education Nationale des « Mademoiselle Bergamotte » qui aiment passionnément leur métier et, contre vents et marées, pensent que le soutien scolaire par des méthodes personnalisées peuvent réaliser des miracles. Alors, elle réalise ce miracle et Gustave va concrétiser et vivre  l’idée simple de ce livre : parfois il suffit d’un rien pour qu’une vie bascule du bon côté. Un rien ? Une rencontre avec une enseignante professionnelle généreuse et attentionnée, ce n’est pas rien...
Le livre se lit très facilement et oscille entre beaucoup de passages émouvants de la vie de tous les jours de gosses de banlieues, et quelques caricatures d’un système qui a peut-être encore plus de vertus qu’on ne le croit. Mais c’est un plaidoyer plutôt convaincant pour un service public de l’Education Nationale fort, intégrateur, moderne, et surtout adapté à la différenciation des élèves et de leurs parcours.