1. " Les mémoires de la
Méditerranée" de Fernand Braudel, aux éditions Fallois, paru en 1998. Un
livre que j'ai trouvé dans la bibliothèque de la maison de Bretagne de
mon regretté père. Un livre qui fait écho à celui de l'ami Daniel
HERRERO ( " Mes Méditerranées ") dont je relatais la lecture il y a peu
dans ces pages. Il y fait écho car Braudel écrit que " sur l'immense
passé de la Méditerranée, le plus beau témoignage est celui de la mer
elle-même (...) Bien sûr, elle n'explique pas tout , à elle seule, d'un
passé compliqué construit par les hommes (...) Mais elle restitue
patiemment les expériences du passé, leur redonne les prémices de la vie
, les place sous un ciel, dans un paysage que nous pouvons voir de nos
propres yeux, analogues à ceux de jadis. Un moment d'attention ou
d'illusion : tout semble revivre." La terre vue de la mer , telle celle
du marin, différente et complémentaire de la mer vue de la terre, celle
de Daniel le terrien. Le travail de Braudel porte sur la préhistoire et
le monde antique, c'est à dire toute la période d'avant la naissance du
calendrier chrétien. On y trouve des traces de géographie et, notamment,
des phénomènes volcaniques - Ah ! Le tremblement de terre de
Santorin...quel séisme ! - , une étude passionnante de la naissance de
la mer vue à travers les bateaux de guerre ou de commerce, et , bien
sûr, la succession des civilisations, la Crête d'abord, les Phéniciens, ,
les Étrusques, Athènes et Rome. À travers ce travail si riche et
passionnant, ce qui m'a frappé, c'est la mise en valeur du caractère
exceptionnellement " carrefour " de cette mer : frontière du Nord et du
sud, de l'Europe et de l'Afrique, elle l'est aussi de l'Occident et de
l'Orient. Sur ces frontières-là, des migrants , il y en eut et beaucoup
depuis des siècles et des millénaires, on semble l'avoir oublié . Ce
double carrefour, c'est tout ce qui fait la complexité ..et le charme de
la Méditerranée.
2. "Fendre l'armure" de Anna Gavalda, aux éditions Le dilettante, paru
au printemps dernier.Un recueil de sept nouvelles. Des nouvelles
inégales, par leurs longueurs et leurs qualités mais qui ont toutes un
point commun : leur auteure, avec son écriture soignée qui se lit
facilement, et surtout cette sensibilité particulière qui peut la rendre
aussi bien drôle qu'émouvante voire bouleversante. Cette romancière
contemporaine qui m'avait beaucoup intéressé avec son " Ensemble c'est
tout" poursuit son chemin de qualité.
3. " Les jours de mon abandon" de Elena Ferrante, traduit de l'italien
par Italo Passamonti - remarquable traduction dans un français très
riche - , dans la collection Folio de Gallimard. En attendant ( avec
impatience !) le quatrième tome de " L'amie prodigieuse", j'ai trouvé et
lu ce roman de l'auteure italienne qui date de 2004. L'histoire
douloureuse d'une femme de 38 ans, vivant à Turin avec un mari cadre
supérieur et deux enfants en bas âge, qui apprend du jour au lendemain
que son mari la quitte. J'allais dire " une histoire banale ". Sauf que
l'histoire de cette femme, de son naufrage , la mène aux frontières de
la folie. Sauf, aussi,que l'écriture et la sensibilité d'Elena
Ferrante, avec son féminisme subtile et bouleversant , en fait un livre
très attachant.
4. " Cezanne" de Bernard Fauconnier dans la même collection , Folio, de
Gallimard. Une biographie fort bien faite du grand peintre Aixois,
caractériel notoire au point que beaucoup le disaient fou. J'en retiens,
entre autres choses passionnantes, deux faits étonnants : d'abord sa
longue amitié avec Émile Zola, amitié née dans l'enfance du collège
d'Aix en Provence. Amitié nourrie dans les difficultés rencontrées par
l'un et l'autre à percer, chacun dans sa discipline. Amitié ressentie
par Cezanne jusqu'à la mort de l'écrivain , même si les écrits de
celui-ci dans " l'œuvre" , particulièrement durs pour le peintre et ses
amis impressionistes, ont sonné comme une trahison . L' autre fait que
je retiens,c'est que Cezanne a commencé par être recalé au concours des
Beaux Arts à Paris, avant que ses toiles ne soient refusées plusieurs
années de suite au Salon officiel des peintres , organisé par les
responsables de l'empire. Il faut dire que, dans ce traitement paradoxal
et à bien des égards scandaleux, il était en très bonne compagnie :
Manet, Monet, Renoir, Pissaro... perspicacité des responsables culturels
de ces temps !
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