Les électeurs de la primaire ont
voté et il faut respecter leur choix démocratique.
Réjouissons-nous d'abord de cet
exercice démocratique même si son succès est limité.
À entendre les commentateurs et
experts hier, en début de soirée, c'était un échec...et moi je trouve que dans
la crise démocratique actuelle et dans l'état de délitement absolu de la
Gauche, c'est plutôt un beau succès. Dans mon bureau de vote, j'ai été
agréablement surpris de devoir faire la queue pour voter en ce froid dimanche
matin.
Exit donc Montebourg qui finit
3eme comme il y a 5 ans, avec 17% comme il y a 5 ans, preuve d'une stagnation
évidente de son discours pour ne pas être plus sévère. Exit Peillon dont je
n'ai toujours pas compris pourquoi il était candidat, les électeurs non plus.
Exit les autres petits candidats, respectables et loyaux, dont un certain
Francois de Rugy que je connais bien, apprécie bien, et qui a fait un beau
parcours.
Restent donc Valls et Hamon.
Manuel Valls, j'ai déjà dit
pourquoi je le soutenais et je le redirai dans les heures et jours qui viennent
: il me paraît, à l'évidence et les interventions des candidats hier soir le
démontraient spectaculairement, qu'il est le mieux préparé, le plus
expérimenté, et qu'il a le sens de l'Etat le plus affirmé.
Mais je veux dire aujourd'hui
quelques mots sur Benoît Hamon. Je connais bien Benoît depuis longtemps.
J'apprécie l'homme sympa en diable. Je le respecte et l'estime amicalement pour
son parcours et sa cohérence.
Le problème est que j'ai de profondes
et graves divergences politiques avec lui. Si profondes et graves que je porte
un regard sévère sur son programme et ses conséquences éventuelles pour
notre pays. Je m'en tiendrai à trois exemples :
1. Le revenu universel. Il nous le
présente comme "la" grande mesure moderne et de Gauche. De
Gauche le revenu universel ?? J'ai beau chercher dans la plus profonde de mes
convictions et de mes connaissances, je ne vois pas ce qui est de Gauche dans
le fait de donner un revenu de base à tous les citoyens, qu'ils soient riches
ou pauvres, qu'ils aient un travail ou pas ! Et je ne vois pas ce qu'il y a de
gauche à reprendre une idée avancée depuis des décennies par des
économistes libéraux dont Milton Friedman fut le plus en pointe. Sans faire injure
à Benoît, Christine Boutin y est favorable aussi....smile !
Milton Friedman, chantre de
la nouvelle gauche française ? Très peu pour moi. À quoi j'ajoute que ce
dispositif coûterait cher, très cher aux finances publiques : 300 à 400
milliards d'euros et que ce seul fait de l'envisager alors que nous venons à
peine d'entamer la résorption de nos déficits et qu'il y a encore beaucoup de
route à faire, me paraît pas seulement irresponsable : c'est une régression de
la pensée de gauche.
2ème exemple : le "49-3
citoyen». On a beaucoup glosé sur le 49-3 et j'ai moi-même écrit dans ces
lignes combien le vieux parlementaire " parlementariste" que je suis
appréciait peu cet article de notre constitution. Même si je relativise à
propos de son usage sous ce quinquennat quand une trentaine de "frondeurs
" refusaient la loi de la majorité des 270 autres députés
socialistes et voulaient bloquer le travail collectif de réforme en le
caricaturant et en le dénigrant malhonnêtement....c'est une autre histoire, pas
tout à fait indépendante de celle-ci mais revenons au 49-3: Benoît Hamon
propose un "49-3 citoyen". Je passe sur le caractère magique d'une
proposition qui voudrait, en accolant " citoyen" à un symbole du
parlementarisme rationalisé par de Gaulle, tracer la voie de la 6eme
République. Presque dérisoire. Mais surtout dangereux ! Car, si j'ai bien
compris, il s'agit de donner aux citoyens par voie de pétition, le pouvoir de
bloquer un processus législatif qui leur poserait problème. Pure démagogie que
de porter un nouveau coup très grave à la démocratie représentative. Mais une
démagogie dont il faut mesurer les conséquences : mon cher Benoît, avec
cette disposition, on n'aurait jamais aboli la peine de mort !
3ème et dernier exemple :
interrogé sur ces bistrots de Seine St Denis où les femmes n'étaient pas
admises sous la pression d'un islamisme radical bien peu républicain, Benoît a
répondu qu'à la fin du 19ème siècle, déjà, dans les bistrots ouvriers, les
femmes ne fréquentaient pas non plus les bistrots... terrible réponse. Pas
seulement parce qu'elle nous renvoie plus d'un siècle en arrière, mais
surtout parce qu'elle manifeste un refus de regarder la réalité d'aujourd'hui
en face, les yeux dans les yeux. Benoît considère que les musulmans de France
sont les nouveaux "damnés de la terre" et que c'est leur révolte
sociale qui explique le radicalisme. Terrible et tragique erreur.
Voilà trois divergences profondes
et graves avec le programme de Benoît Hamon. Elles caractérisent un programme
que je considère plus gauchiste que républicain et qui me paraît nous
faire retourner 40 ans en arrière, comme si nous n'avions rien appris tous
ensemble.
Comme si nous abandonnions tout
projet de gauche de gouvernement, pour retourner dans l'utopie et
l'irresponsabilité. Je ne veux pas de ça pour mon pays, je crois plus que
jamais à l'éthique de responsabilité. Un dernier mot à ce sujet : quand il a
refusé de rester au gouvernement - il n'a pas été " viré" comme le
disent les ignorants, il pouvait rester, mais a préféré être solidaire de
Montebourg et de son inqualifiable provocation de la fête de Frangy à l'égard
du Président... enfantillages- Benoît Hamon était Ministre de l'Education
Nationale. Poste de responsabilité si éminent, si essentiel, si lourd et
majeur. Il a quitté ce poste de son plein gré quelques jours à peine avant la
rentrée scolaire et cela m'avait beaucoup choqué. Je sais que je n'étais pas le
seul. Toujours l'éthique de responsabilité...
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