D'être lu, analysé, et commenté avec exigence
pour que vive utilement le débat démocratique. Car Najat n'est pas n'importe qui,
non pas pour ses origines qui me laissent indifférent comme on doit être
indifférent à la différence, car je
refuse ces sempiternelles " assignations identitaires" bien peu républicaines,
mais parce qu'elle est Ministre de l'Education Nationale, en charge de l'enjeu
majeur de la société française, du sujet qui conditionne l'avenir de notre pays.
Et si le Président et le Premier Ministre
l'ont nommée à ce poste essentiel, on imagine que c'est parce qu'ils ont
confiance dans ses convictions, ses
valeurs et ses idées. La lire quand elle les exprime est rare et, donc,
précieux, surtout en ces périodes de trouble et de peurs, d'angoisses
collectives dues à la guerre que nous mène l'islam radical.
Je passe sur son début un peu déroutant :
" le burkini n'est pas une atteinte à la République; c'est une atteinte à
la liberté des femmes " comme si une atteinte à la liberté des femmes - et
donc à l'égalité femmes-hommes !- n'était pas une atteinte à notre République dont le triptyque est ce qu'il est...
Non je veux m'attarder surtout sur ce que la
Ministre dit du Premier Ministre :
" Pour Manuel Valls, l'essor de l'islam radical est le combat central. Pour
moi la société française est d'abord minée par le repli identitaire, le
ressentiment à l'égard des musulmans."
Je passe - encore !- sur le petit jeu qui
pousse un certain nombre de Ministres à se démarquer du Premier Ministre, que
je trouve moyennement loyal (d’autant plus moyen que cette présentation des choses résonne
comme un procès d'intention où l'on sous-entend que le Premier Ministre ne
serait pas concerné par le repli identitaire et le ressentiment à l'égard des
musulmans...) pour m'en tenir au fond . Et le fond m'oblige à dire que je ne
vois pas bien l'intérêt d'opposer ces deux
fléaux , ces deux menaces , alors même qu'ils forment bien , ensemble,
une tenaille maléfique qui étreint la République : celle-ci est à la fois
menacée par la guerre que lui mène l'islamisme radical, ET par le repli
identitaire sous l'influence d'une extrême-droite prête à tout pour une
misérable exploitation politicienne fondée sur les peurs. Et la République doit bien combattre les deux. Ou, pour être
plus précis, doit combattre l'une sans tomber dans l'autre qui serait la
négation d'elle-même. Car il ne faut pas perdre de vue que les français tués
par la barbarie terroriste sont bien les victimes de la première menace et pas
-pas encore ?- de la seconde.
Puis la Ministre ajoute : " Je suis
convaincue que donner la priorité à ce second combat est le meilleur moyen de
faire durablement reculer l'islam radical qui enfante des monstres, le
djihadisme, le terrorisme. " Là, je commence à dire mon désaccord :
imaginer que le terrorisme ne serait que le fruit du repli sur soi, qu'il n'a
pas une spécificité qui implique une lutte spécifique, déterminée et méthodique, me paraît être
l'expression d'un angélisme trop répandu à Gauche. Il suffit pourtant
d'observer de près les parcours personnels des terroristes pour s'en convaincre.
Et puis je veux être franc : je considère que l'explication sociale ou
sociologique du radicalisme - qui serait le " fruit naturel" - des
conditions de vie dans nos cités, de la relégation dans des ghettos, est une
insulte insupportable aux millions de musulmans qui y vivent dans le respect scrupuleux
des lois de la République.
Enfin, la Ministre dit " Il y a une
responsabilité des musulmans à combattre ce cancer obscurantiste, mais cela n'a
rien à voir avec l'injonction qui leur est faite de se désolidariser des
terroristes, qui est scandaleuse, car elle présuppose une complaisance
généralisée alors que c'est l'inverse".
Il n'y a pas d'injonction, chère Najat, il y a deux évidences : pour
dire " ça n'est pas ça l'islam ", la République est incompétente et
seules les autorités musulmanes le peuvent ; et s'il y a urgence à couper ce
lien entre l'islam et le djihadisme, ça n'est pas parce qu'il a été inventé par
la République mais bien parce qu'il est revendiqué par les djihadistes.
Mais ce debat est essentiel et doit se
poursuivre.