Reprenons
les choses par le commencement de cette pénible affaire et
reconnaissons que le gouvernement avait entamé cette réforme de la
pire manière qui soit avec la 1ère version du projet. Un
projet incroyable tellement il était inacceptable, sur la forme
comme sur le fond. J'y reviens encore car, d'une certaine manière,
on paye encore, 4 mois après, et au prix fort, cette épouvantable
entame.
Vint
ensuite, la 2ème version, beaucoup plus acceptable mais
encore bien perfectible.
Mais
puisque j'en suis aux critiques du pouvoir, je veux redire un mot de
l'emploi de l'article 49 alinéa 3 de la constitution. Cette
disposition est une disposition non pas « antidémocratique »
puisqu'elle relève d'une constitution adoptée par le peuple, mais
« antiparlementaire » au sens où elle restreint les
droits du Parlement. Elle est donc dure à « avaler »
pour un parlementaire de culture parlementariste comme moi. Comme je
ne veux pas être que sévère avec le Gouvernement qui, de fait,
était coincé par l'absence de majorité sur son texte, je veux
surtout insister sur une des conséquences du 49.3 dont on ne parle
pas parce qu'on s'arrête à l'écume des choses : il a empêché
les parlementaires autour de leur remarquable rapporteur Christophe
SIRUGUE, d'aller au bout de leur travail d'étude, de débat, et
d'amendement, notamment … sur le fameux article 2. J'y reviendrai.
Voilà
pour le passé. Venons-en au présent.
Le
texte qui va être maintenant débattu au Sénat, non seulement n'a
plus grand chose à voir avec la 1ère version, mais a
même singulièrement enrichi la seconde.
Ce
texte n'est-il, comme le disent certains, qu'un texte de « régression
sociale » ?
Franchement,
c'est difficile à soutenir.
Car
peut-on passer par pertes et profits l'apport du Compte personnel
d'activité, fondement majeur de ce que certains espéraient depuis
longtemps, « la sécurité sociale professionnelle » ?
Peut-on
oublier la généralisation de la « Garantie-jeunes », la
protection renforcée des femmes de retour en activité après une
maternité, la lutte contre le sexisme en entreprise, celle, plus
efficace, contre les travailleurs détachés ??
Eh
oui, tout cela est dans le texte ! Mais personne n'en parle …
Car
on ne parle que d'une chose, sur laquelle tout le débat s'est
cristallisé depuis plusieurs mois, la fameuse « inversion de
la hiérarchie des normes » prévue à l'article 2. Inversion
selon laquelle un accord d'entreprise l'emporterait sur un accord de
branche. Soit.
Mais
les mots ont un sens : le Code du travail garde la loi comme
norme supérieure ! La loi reste supérieure, en général, à
l'accord d'entreprise !
Mais
c'est vrai que la loi édicte des exceptions sur le rapport « accord
de branche / accord d'entreprise », notamment pour
l'organisation du travail (temps de travail, congés, heures sup. etc
…). Soit.
Mais
ça n'est pas nouveau !!
Ces
exceptions existaient déjà !! Depuis des lois de 2004 et 2008
pour être précis. Sans qu'aucune organisation syndicale, à
l'époque ne crie à la trahison ni ne cherche à bloquer les ports,
les gares ou les aéroports …
A
l'époque, ce qui avait choqué le plus les syndicats de salariés et
la Gauche, c'était que ces accords d'entreprise pouvaient être
minoritaires (être adoptés par un accord ratifié par les syndicats
représentant seulement 30 % des salariés), c'était effectivement
choquant.
Eh
bien, savez-vous que le projet d'aujourd'hui, la fameuse « loi
EL KHOMRI » interdit désormais les accords minoritaires ?
Que ce seuil de 30 % y est porté aux 50 % normaux en démocratie ??
Et ça serait une régression sociale ?
Je
ne m'étendrai pas sur l'argument largement diffusé selon lequel ce
texte « faciliterait les licenciements » en évaluant les
difficultés des multinationales sur le seul territoire français,
puisque cette disposition a été retirée du texte. Mais c'est bien
l'une des nombreuses manifestations du fait que le débat reste
pourri par la 1ère version : Même quand ça a
changé, on y revient … Une certaine mauvaise foi des opposants
répondant à la détestable erreur du gouvernement.
J'arrête
sur le présent texte pour regarder l'avenir.
Et
maintenant, comment fait-on ?
Mon
avis de parlementaire de la République et de militant politique est
qu'il faut se prévenir de deux écueils : retirer le texte
n'est pas envisageable d'abord, car ce serait faire le deuil de toute
autorité de l'Etat, de tout respect de ce qui reste des mécanismes
de la démocratie parlementaire et … de tous les apports de ce
texte, rappelé plus haut sans oublier l'engagement des syndicats
« réformistes » qu'on ne peut laisser au bord de la
route ; mais le pourrissement, l'épreuve de forces avec les
syndicats encore mobilisés n'est pas plus envisageable car la
République n'a rien à gagner à faire durer cette période porteuse
de tant de violence de moins en moins rentrée,
tandis que, même si l'on est en profond désaccord, les
organisations syndicales de salariés sont respectables et utiles. La
CGT et FO sont des composables respectables et estimables du
mouvement ouvrier français et de son histoire.
Il
faut donc trouver une porte de sortie, honorable pour tous. Et pour
cela, il faut commencer par se parler, je le répète et j'y insiste,
dans le respect mutuel. Avec, j'ose le dire, le sens des
responsabilités, c'est-à-dire le sens de l'intérêt général.
Nous
sommes un certain nombre – à commencer par Christophe SIRUGUE pour
qui je n'ai qu'estime, respect et amitié – à avoir des idées
précises et concrètes sur le contenu de ce « compromis
honorable » qui est la seule porte de sortie possible car
jamais, en démocratie, le compromis n'est compromission.
Mais
plutôt que de jouer au jeu des positionnements comme le font les
trop nombreux obsédés des caméras et des micros, tenons-nous en à
ces principes : dialogue et respect. Il faut en finir avec les
surenchères et toutes les violences. Est venu le temps de la
sagesse.
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