D’abord,
il y a le procès en illégitimité : la Droite française n’a
jamais accepté l’idée même que la gauche puisse gouverner. Quand
c’est le cas, ce procès en illégitimité est aussitôt intenté.
C’est le cas depuis 2012, comme d’habitude. Le pouvoir, c’est
« leur » truc et ceux qui veulent le leur disputer sont
des usurpateurs. Point.
Ensuite, il
y a les institutions. Celles-ci, on ne le découvre pas aujourd’hui,
ont été construites en 1958 pour assurer la prééminence du chef
de l’Etat par l’encadrement très rigoureux des droits du
Parlement. C’est ce qu’on appelle pudiquement le
« parlementarisme rationnalisé », parachevé par le
référendum de 1962. Ces institutions protègent le Président et
lui permettent d’assurer la stabilité du pouvoir en traversant les
crises. Et ça, ça fait enrager la Droite. Protéger le Président,
quand c’est De Gaulle, Pompidou, Giscard, Chirac ou Sarkozy, elle
l’accepte totalement. J’allais dire « goulûment ».
Mais que les institutions protègent un Président de Gauche, ça lui
est insupportable.
Enfin, il y
a l’impatience de la Droite, avivée par les rivalités entre ses
principaux leaders. Ils croient déceler un affaiblissement du
pouvoir ? Aussitôt ils se précipitent pour être le premier à
donner le coup de pouce au destin : la crise de régime est là,
selon eux.
Fillon va
même plus loin : « je demande au Président de regarder
autour de lui, tout s’écroule ! ». Tu parles.
Heureusement la France est plus solide que ne le croit Fillon.
Ajoutez,
pour finir, une pincée de drame démocratique provoqué par le règne
d’Internet. Voyez une anecdote que je trouve particulièrement
significative : la semaine dernière, circule sur le Net une
photo des chefs de l’Etat de l’OTAN prise au Pays de Galles. On y
voit tous les chefs de l’Etat regarder le ciel vers la droite, sauf
Hollande, qui regarde à Gauche.
Commentaire
de la photo : « L’idiot ». Rien que ça. Et la
photo fait le buzz…sauf qu’elle est truquée :
la photo élargie montre la même scène plus Angela Merkel qui
regarde… dans la même direction que Hollande. L’idiot n’est
plus l’idiot. Mais l’excès dans le dénigrement a fait le buzz…
Et si on se
calmait ?
Et si on
regardait les choses sereinement ?
Peut-être
découvrirait-on alors que notre pays, la France, qui connait de très
graves difficultés économiques, sociales, budgétaires et
financières, ne connait pas vraiment une crise de régime mais une
crise morale indéniable qui s’approfondit de jour en jour. Et
cette crise morale, j’ose la qualifier : il s’agit pour
l’essentiel d’une régression républicaine qui
s’approfondit de jour en jour.
A Droite,
bien sûr, au nom de l’impatience et du procès en illégitimité
décrits plus haut, on se précipite hors du cadre républicain pour
mettre en cause la légitimité du Président élu : on exige la
démission ou la dissolution (c’est d’ailleurs cocasse de voir
les auteurs de la dissolution hasardeuse de 1997 vous donner des
leçons en la matière…).
Mais il n’y
a pas qu’à Droite que l’esprit républicain régresse :
voyez cet ex-Ministre qui croyait pouvoir se répandre partout en
dénigrant le Président, ignorant que la République a pour règle
le respect des personnes et, en particulier, de ceux que le peuple a
élus, et qui se permettait de développer, de l’intérieur une
« autre politique », oubliant qu’en République,
l’Exécutif doit être un poing ferme et cohérent.
Voyez cette
autre Ministre proclamant qu’elle ne « souhaite pas faire
partie de la nouvelle équipe » comme si la République avait
lancé un appel à candidatures et qu’elle « reprend sa
liberté » comme si servir son pays au sein du Gouvernement de
la République n’était pas la plus belle des libertés à vivre
parce que la plus belle des responsabilités.
Voyez cet
autre ex-Ministre –je ne le mélange pas avec les deux autres, il a
eu des propos publics plus dignes- mais enfin…- qui porte la plus
lourde des responsabilités, l’Ecole de la République, et qui
l’abandonne à quelques jours de la rentrée scolaire ! Comme
si la République n’exigeait pas de « faire face » !
Voyez cet
autre ex-Ministre, inquisiteur farouche pourchassant les fraudeurs
fiscaux et qui doit quitter précipitamment le Gouvernement parce
qu’on a découvert qu’il « oubliait » de payer ses
impôts. Un serviteur de la République méconnaissait les règles
élémentaires de celle-ci : le droit d’exercer quelques
responsabilités que ce soit est indissociable de l’absolu devoir
d’exemplarité. La République, l’équilibre sacré des droits et
des devoirs citoyens, oubliée par un élu !!
Et voilà
qu’une femme en souffrance, doublement respectable en tant que
telle, se laisse aller à un acte de vengeance inqualifiable, parce
qu’elle oublie une règle essentielle de la République : la
séparation rigoureuse entre vie publique et vie privée ! Et de
tous les risques que représente le mélange des genres, il en est un
que l’épisode n’a sûrement pas évité : au-delà de
l’atteinte à la personne, l’atteinte à la fonction
présidentielle ce dont, on peut bien se le dire, la France n’avait
vraiment pas besoin.
J’arrête
là ma démonstration.
La
République est le socle
institutionnel sur lequel tous les citoyens de Droite et de Gauche
sont censés se réunir.
La
République est le cadre
à l’intérieur duquel doivent se situer nos propos, nos discours,
nos actes politiques.
Elle est
aussi notre patrimoine
commun, celui dont nous avons hérité de l’histoire, de plus de 2
siècles de combats parfois douloureux, patrimoine dont notre
responsabilité première est de le léguer en meilleur état à nos
enfants que nous ne l’avons trouvé.
La
République a ses règles. Elle a même un esprit, l’esprit
républicain.
Y déroger
n’est pas sans risque pour nous tous.
Entendons-nous
bien : critiquer le Président de la République et son action
est un droit. Ca peut même être un devoir. Porter atteinte à sa
fonction, c’est jouer avec elle et, parfois même, contre elle. Ca
n’est pas admissible.
Voilà
pourquoi aussi, je crois à l’indispensable sursaut républicain.
Car on peut réfléchir, débattre de je ne sais quelle « nouvelle
république ». Mais avant d’être 6ème,
la République doit, d’abord rester la République.