lundi 21 décembre 2020

ESPOIRS DE CLARIFICATION , nouvelle tribune signée par Gilles Clavreul et Jean Glavany parue sur L'aurore think tank.


 

ESPOIRS DE CLARIFICATION



Sur le front de la laïcité et celui de la lutte contre les remises en cause du pacte républicain, ces derniers mois auront soufflé le chaud et le glacial, donnant tour à tour matière à espoir, effroi ou déploration. Voici que s’achève le procès des attentats de janvier 2015. Chaotique, jalonné d’interruptions et de rebondissements, inséparablement insoutenable et nécessaire aux survivants et à leurs familles, il accouche d’un verdict net: 11 prévenus, 11 condamnés dont 5 pour faits en relation avec une entreprise terroriste, condamnations auxquelles s’ajoutent celles, par contumace, de deux jihadistes en fuite, respectivement à la réclusion criminelle à perpétuité et à 30 ans dont les deux tiers incompressibles. Recouvertes, les provocations des prévenus et de leurs défenseurs; au moins autant par ce prononcé qui sera de toutes façons frappé d’appel, que par la voix ferme et le sourire indémontable de Me Richard Malka. «Ce procès a été un formidable accélérateur de l’Histoire. Il a provoqué une clarification des positions, il a réveillé une société inquiète, il a alerté les consciences», a confié au journal Sud-Ouest l’avocat de Charlie-Hebdo à l’issue du verdict.
Clarification: ce pourrait être en effet le plus grand motif d’espoir de ces derniers mois. Clarification que ce discours du Président du 2 octobre, que nous avions salué. Clarification encore que ce projet de loi «confortant les principes républicains», dont on pourra toujours discuter tel ou tel manque, ne serait-ce que l’attente toujours déçue de ce plan Borloo désormais érigé en mythe, se montrer sceptiques, surtout, sur l’énième tentative de doter l’islam d’une organisation par validation administrative, mais qui marque une ferme volonté de traduire en actes la parole présidentielle, à charge pour les parlementaires, désormais saisis du texte après qu’il ait été largement validé par le Conseil d’Etat, de l’améliorer et de le compléter. Clarification encore que les dissolutions de ces officines qui sapent depuis des années la confiance dans les institutions de la République et s’appliquent à creuser un fossé infranchissable entre les musulmans, qu’ils ont la prétention de représenter, et ce pays, la France, qui est aussi le leur.


Clairs-obscurs
Qu’en est-il des clarifications politiques, intellectuelles, médiatiques? Là, le tableau est plus contrasté. Saluons d’abord comme il se doit l’ébauche d’une confirmation: le Parti Socialiste poursuit sa convalescence laïque. On s’abstiendra de parler pour le moment de rémission complète, mais disons que la guérison pourrait être en bonne voie: en affirmant sa volonté de replacer la laïcité «au cœur» du projet politique de son parti, et en confiant à Jérôme Guedj, constamment impeccable sur le sujet, l’animation nationale de la réflexion sur la laïcité et les principes républicains, sa direction a montré de la constance depuis la ligne qu’il avait tracée il y a un an, en refusant l’injonction des formations islamistes, CCIF en tête, de manifester le 10 novembre 2019 contre les «lois liberticides» (entendre : celles de 2004 et de 2010, ainsi que les lois anti-terroristes) aux cris de «Allah akbar». Il semble loin, le temps où le prédécesseur de l’actuel Premier Secrétaire - qui prône désormais un retour au pacte républicain qui laisse sans voix tant il apparaît comme un nouveau reniement ou une souplesse idéologique infinie...- conseillait à sa direction de ne pas se mêler de Laïcité faute de n’y trouver «que des coups à prendre», ou recevait le même CCIF rue de Solférino, avant de porter à l’élection présidentielle un candidat multipliant les clins d’œil communautaristes, avec le succès qu’on sait… Si on ajoute la tribune courageuse, de retour du Haut-Artsakh, dans laquelle sont dénoncées sans ambages les exactions de la Turquie et de son allié Azéri contre la minorité arménienne, sans doute tient-on là de quoi entamer, enfin, la reconstruction idéologique de cette formation. Alors pourquoi s’en tenir aux compliments et refuser le tableau d’honneur? Parce qu’ il demeure une répugnance à abandonner tout à fait une grille de lecture qui, en fait d’être sociale, est surtout «économiciste», qui voit dans la relégation des banlieues la cause principale, sinon unique, de la radicalisation, et qui renvoie dos-à-dos le séparatisme des islamistes avec le «séparatisme des riches», comme s’il s’agissait de la même chose. Qu’on s’entende bien: la ghettoïsation est indéniable et insupportable. C’est l’un des grands échecs de la République, même si ce n’est pas un échec complet car, on n’en parle jamais ou en tout cas pas assez, des milliers de familles s’en sortent, des milliers de jeunes hommes et de jeunes femmes s’intègrent, réussissent dans les études et gravissent – pas assez vite, c’est certain – les échelons de la société. Il faut évidemment y répondre bien mieux qu’on n’a su le faire jusqu’à présent. Mais persister à croire que la cité, voire que les «discriminations systémiques» sont la cause du jihadisme, c’est avaliser les arguments des islamistes eux-mêmes, qui voient dans la France une machine à exclure sur des critères ethno-religieux. Relégation et discrimination sont tout au plus un terreau favorable, mais sûrement pas la cause de l’islamisme : celui-ci a ses ressorts propres, et c’est d’abord ces ressorts qu’il faut casser.


Lutter contre l’islam radical ou contre l’islamisme (et non contre «l’islamisme radical», comme s’obstine à l’appeler le Premier ministre, comme s’il pouvait y avoir un islamisme modéré…), c’est donc opposer un refus ferme et non négociable à toute entreprise d’accommodement, de ceux que réclame encore le sociologue Jean Baubérot, que beaucoup à gauche et même au sein de la majorité présidentielle considèrent encore comme le Saint-Jean-Bouche d’Or de la laïcité, alors qu’il n’en délivre, dans le meilleur des cas, qu’une réinterprétation mâtinée de libéralisme anglo-saxon ( Ah ! Son insupportable appel à la retenue dans l’usage des caricatures après l’assassinat de Samuel Paty ....). La tentation de rechercher un compromis avec ces fameux «islamistes modérés», personnages dont le compagnonnage apparait d’autant plus désirable qu’ils sont imaginaires reste vivace chez une partie de nos responsables politiques. Voilà que le ciel s’assombrit : on croit deviner qu’il en est ainsi dans une partie du parti présidentiel, qui dit s’inquiéter d’une «dérive droitière» et semble se cramponner à une laïcité made in Observatoire, c’est-à-dire crépusculaire car dépassée, depuis belle lurette, par les événements. Plus personne aujourd’hui n’oserait encore dire, comme le Président de cet Observatoire le fit quelques mois après la création de celui-ci, qu’il « n’y a pas de problème de laïcité en France»...Pour achever sa mue, le PS devrait expliciter sa rupture avec cette culture-là plutôt que de chercher une synthèse molle comme il en a trop eu l’habitude depuis une vingtaine d’années.
On voit surtout qu’à la gauche du PS, on s’enfonce dans l’obscurité en klaxonnant: de la FCPE et de la Ligue des Droits de l’Homme, qui semblent décidées à reprendre le flambeau de l’activisme judiciaire abandonné par le CCIF en intentant des procès à tout le monde – même à Jean-Pierre Obin le courageux auteur d’un rapport que certains auraient mieux fait de lire plutôt que de le cacher dans un placard ! – aux écologistes, Jadot peut-être mis à part, en passant par Jean-Luc Mélenchon qui n’en finit plus de se renier et fustige, dans une transe plénélienne, une «déclaration de guerre contre les musulmans», cette gauche-là semble décidée à camper du mauvais côté de l’Histoire, là où les intérêts du peuple ne sont pas, surtout pas ceux des musulmans qui sont, faut-il le rappeler, ceux qui subissent l’islamisme en première ligne.


Néo-puritanisme
Qu’en est-il du front intellectuel? Il n’est pas à négliger. Emmanuel Macron, Jean-Michel Blanquer, ont-il eu raison de pointer certaines dérives à l’université en employant le qualificatif «d’islamo-gauchisme» ? On peut discuter le terme, non nier ce qu’il recouvre. Ce que l’on appelle désormais la «cancel culture», ou «culture de l’effacement», menace bien vite de se transformer en effacement de la culture, tant l’ardeur à l’interdit et l’envie de censure s’y lisent à livre ouvert: Les suppliantes d’Eschyle, Sylviane Agacinski et même François Hollande en ont fait les frais, réactivant des campagnes diffamatoires plus anciennes, comme celle qui frappa, en 2006, l’historien Olivier Grenouilleau pour sa magistrale Histoire des traites négrières. Par rapport à ce qu’il se passe aux Etats-Unis, ce n’est qu’un hors-d’œuvre: professeurs mis à pied pour un mot jugé inapproprié, remise en cause des programmes d’histoire de l’art «européo-centrés», critiques des œuvres de Renoir comme pornographiques, etc. Que mille pétitions fleurissent pour s’inquiéter des menaces sur les «libertés académiques» a de quoi rendre songeur: ne sont-ce pas précisément ces mouvements d’idées qui, à force de sectarisme militant et de politisation du travail scientifique, ne cessent de demander censure et auto-censure contre ceux qui ne pensent pas comme eux ?
Le fait est : une puissante aspiration puritaine, sous couvert d’antiracisme, nous vient d’outre-Atlantique. Ce sont sensiblement les mêmes protagonistes qui sont à l’œuvre dans la campagne anti-française menée depuis l’assassinat de Samuel Paty et visant à faire passer la France, depuis les tribunes d’estimables institutions de la presse de la côte est des Etats-Unis, pour un pays «islamophobe». Voilà peut-être le champ que la France a eu le grand tort de négliger dans cette grande bataille contre l’intolérance : l’opinion publique internationale. A moitié par dédain pour des questions jugées subalternes, à moitié aussi par un certain tropisme intellectuel présent dans les milieux diplomatiques, le discours tendant à présenter la France comme la victime d’un mal qu’elle aurait elle-même attisé, insensible aux humiliations arabes et aveugle à la religiosité musulmane n’a pas été considéré sérieusement, quand il n’a pas été tout simplement encouragé in petto. D’une certaine presse américaine aux médias-croupions à la botte de la Turquie et du Qatar, en passant par les officines du soft power islamiste, la France ne manque pas de contempteurs que l’on laisse opérer sans les déranger, ni même leur disputer le terrain médiatique. Il importe dès à présent que nous retrouvions de la voix et des relais, notamment en Europe. La tuerie de Vienne est venue rappeler deux choses: la première est que toute l’Europe est visée; la deuxième, comme l’a dit Richard Malka, est que les caricatures, comme le passé colonial, ne sont que des prétextes. Les islamistes ne tuent pas pour ce que nous avons fait ou ce que nous n’avons pas fait, mais uniquement pour ce que nous sommes.
De l’enceinte de chaque collège jusqu’aux grandes enceintes internationales, de nouvelles batailles pour les libertés seront à livrer. Elles prennent à revers tous ceux qui restent prisonniers des vieux schémas, ou qui sont tentés par des calculs politiciens de court terme : les puritains se font appeler progressistes, les censeurs se nomment défenseurs des libertés ; ceux qui sèment la mort et appellent à la haine se font passer pour des justiciers. Ce sera l’un des défis de 2021, avec la sortie de l’épidémie et la lutte contre la crise économique.

https://www.laurorethinktank.fr

 

 


Lu « 1984 » de George Orwell chez Gallimard dans une nouvelle traduction de Josée Kamoun.

L’ouvrage date de 1949 - c’est dire s’il n’est pas de la première fraîcheur...- soit un an


avant la mort, de tuberculose, de l’essayiste britannique qui voulait faire de l’écrit politique un art et de la dénonciation du totalitarisme et de la manipulation mentale une véritable cause, un engagement de tous les instants. L’intuition était bonne et cet ouvrage fera date dans l’histoire de cet engagement universel. Il a fait date mais il date...car depuis tout a été dit, décrit et surtout, hélas vécu en matière de totalitarisme. Et celui de « Big Brother » imaginé par Orwell pour le Royaume- Uni n’a pas vraiment été la confirmation de sa prédiction....il reste que cet ouvrage, parfois long et ennuyeux, ouvre beaucoup de portes et amène à réfléchir à toutes ces nouvelles formes de totalitarisme qu’Orwell n’avait pas vu venir. Par exemple celui des réseaux asociaux ?

lundi 14 décembre 2020

Un livre que je voulais lire et que je ne lirai pas après avoir lu ses « Bonnes feuilles » dans un hebdo : « Vies parallèles. De Gaulle - Mitterrand » paru chez Robert LAFFONT.

 

Longtemps j’ai eu un intérêt véritable pour Onfray, après la lecture de son «essai sur l’athéisme » par exemple ou bien en observant son expérience d’université populaire en Normandie, cette tentative plutôt respectable de transmettre réflexions et connaissances au plus grand nombre. Puis je me suis lentement mais sûrement éloigné de lui en constatant son caractère de plus en plus péremptoire, son absence absolue de doute, ses certitudes qui le bardaient sur tant et tant de sujets. Et, plus récemment, devant sa pitoyable tentative politique de « Front populaire » réunissant des souverainistes des deux bords ( sans d’ailleurs qu’ils en soient tous prévenus ce qui témoigne d’une méthode douteuse pour un tel donneur de leçons....) ces distances devinrent abyssales.

Mais enfin, à l’annonce de son dernier ouvrage « Vies parallèles. De Gaulle - Mitterrand », je fus tout de même intrigué et même attiré. Il faut dire que, Mitterrandiste historique matiné de gaulliste, n’oubliant pas que mon regretté père fut un gaulliste de Gauche et toujours attaché aussi bien à la stabilité de nos institutions qu’à notre indépendance nationale ou au besoin d’ordre de notre société par exemple, un essai comparatif entre ces deux grands hommes aurait pu m’intéresser. Heureux hebdo qui m’offrit des « Bonnes feuilles » en guise d’avant-goût ! Quelle horreur...
Je vous la joue courte : De Gaulle était un grand homme, Mitterrand un médiocre, le premier servait la France, le second sa carrière, l’un avait tout juste, l’autre tout faux, l’un a tout réussi, l’autre tout raté ... Vous croyez que j’exagère ? Hélas non, pour cet auteur de si bonne foi. Un seul exemple avec ce raccourci qui m’a fait éclater de rire :
« De Gaulle lisait Péguy, Mitterrand lisait Paul Guimard et Eric Orsenna, c’est tout dire » nous assène ce soi-disant philosophe. Il se trouve que j’ai connu, bien connu, très bien connu François Mitterrand et que je l’ai fréquenté presque quotidiennement pendant 10 ans. J’ai connu ses qualités et ses défauts, ses forces et ses faiblesses et si je suis partisan, j’essaye aussi d’être réfléchi, posé, honnête. Je sais, parce que je l’ai vécu, que Mitterrand était un puits de connaissance littéraire impressionnant, un lecteur passionné , un amoureux des livres capable, à chaque instant de quitter les affaires de la France pendant quelques heures pour se plonger dans un livre. Je l’ai vu. Et j’ai vu aussi ce qu’il lisait et l’éclectisme de ses goûts plus portés d’ailleurs sur le classique et l’histoire que sur le roman moderne, n’en déplaise à mes chers amis , le regretté Paul Guimard ou l’insubmersible Eric Orsenna. Alors, l’affirmation d’Onfray, parce qu’elle est tout simplement fausse, est ridicule et discrédite tout le reste si c’était nécessaire. C’est grotesque. Et, à certains égards , honteux car malhonnête, profondément malhonnête. Pauvre ONFRAY, pauvre « Front Populaire » si lamentablement détourné de son histoire et de son symbole de rassemblement de la Gauche, pauvre Université populaire de Normandie où l’on apprend de telles balivernes !! A mes chers étudiants de Sciences Po à qui j’apprends, autant que faire se peut à « penser par eux-mêmes »,à réfléchir posément, à puiser leurs sources à toutes les fontaines, à être curieux de tout sans a priori ni préjugés, je dis : surtout ne suivez pas cet exemple !

mercredi 9 décembre 2020

Lu deux romans contemporains à tendance science-fiction futuriste:

 

- d’abord, le dernier roman policier d’Olivier Norek, « Impact » paru chez Michel Lafon.


Norek, ancien flic du 93 reconverti dans le polar est un auteur que j’apprécie car j’ai toujours pensé que, de temps en temps, un bon polar fait du bien et qu’il a un certain talent lié à son vécu et à une écriture plaisante. Mais là, il se projette dans le futur pour inventer un terrorisme écologiste qui, par le biais de prise d’otages parmi les patrons de grandes firmes multinationales, veut leur faire payer, dans tous les sens du terme, le prix de leurs atteintes mortifères à la planète. Le raisonnement est intellectuellement cohérent mais sa traduction est assez décevante : on ne mord pas à l’hameçon...en tout cas, moi, je n’y ai pas mordu; mais j’ai sans doute tort : tout cela nous guette peut-être !

 
- ensuite « L’anomalie » de Hervé Le Tellier paru chez Gallimard, prix Goncourt de cet automne.


En juin 2021, l’année prochaine, survient un évènement incompréhensible au sens le plus pur du terme : un avion d’Air France réalisant la liaison Paris-New York, se pose en catastrophe sur une base militaire américaine après avoir traversé un orage d’une rare violence et perdu l’usage de tous ses instruments. Seulement voilà : l’avion, la compagnie, l’équipage, et tous les passagers sont exactement les mêmes que ceux d’un autre vol Paris- New York du mois de mars 2021, soit trois mois auparavant. Panique chez les services de sécurité américains qui mettent tout ce beau monde à l’isolement et découvrent que toutes ces femmes « de juin » tous ces hommes sont les «doubles » parfaitement identiques à ceux « de mars ». Confrontations des binômes « mars-juin » et hypothèses diverses ne lèvent pas le mystère malgré l’appel aux autorités scientifiques les plus élevées et aux autorités spirituelles les plus diverses.

Comment dire : là non plus je n’ai jamais mordu à l’hameçon. Il y a comme cela des « anomalies » tellement invraisemblables qu’on ne peut y croire vraiment et qu’on a du mal à se laisser transporter...