On
connaît l’histoire : en 1832 Angelo, jeune colonel des hussards,
titre que sa mère richissime lui a acheté, idéaliste et fougueux
part de la région d’Avignon pour rejoindre l’Italie de ses
origines pour mener le seul combat qui compte pour lui : le combat
pour la liberté. Seulement voilà : sur sa route il rencontre la
terrible épidémie de choléra qui frappe le pays et sème son
interminable lot de cadavres, ses quarantaines imposées, les peurs
et les violences qui vont avec, les rumeurs aussi. Comme dans « La
peste » de Camus mais avec un peu moins d’ingéniosité encore (
le bon docteur Rieux, à Oran en 1950, en savait un peu plus que ses
collègues de 1832..) , on retrouve-là, dans notre histoire commune,
des traces intéressantes, édifiantes même, de ce que nous venons
de vivre et vivons encore avec la COVID-19...
Le
roman est un récit d’un voyage mouvementé, on ne peut plus
mouvementé à travers cette Provence, cette Haute Provence en
particulier et ces Alpes du Sud que Giono aimait tant, auxquelles il
a consacré tant d’années et tant d’œuvres de sa vie.
D’ailleurs le titre du roman vient d’un épisode de ce périple
lors duquel Angelo, pour échapper à des poursuivants qui veulent le
mettre en quarantaine voire tout simplement l’éliminer
puisqu’ils le suspectent d’avoir empoisonné une fontaine,
s’enfuit par les toits de Manosque sur lesquels il vivra plusieurs
jours. Manosque...la ville de Giono où il écrivit ce roman et tant
d’autres.
On
retrouve ici, comme d’habitude avec Giono de longues, très longues
descriptions de ces paysages qu’il affectionnait tant. Cela occupe
l’essentiel du livre. Mais il y a l’histoire aussi, la rencontre
avec Pauline, ce voyage en commun, ces liens affectifs qui se
tissent, l’incapacité pour le jeune et fougueux aventurier plein
de morale, d’y voir un amour naissant...
Et
puis des passages qui peuvent nous servir de leçons : celui, dans la
première partie du livre où Angelo s’interroge sur les
motivations profondes de son engagement auprès de ses concitoyens
atteints par l’épidémie, où l’estime de soi n’est pas
innocente; ou bien celui très époustouflant de ce vieux médecin
rencontré sur la fin du voyage et qui, dans un long monologue truffé
de références historiques et culturelles, relativise la maladie et
la mort : « Le choléra n’est pas une maladie, c’est un sursaut
d’orgueil »...
Un
très beau livre bien sûr.